INGRID OHAYON

"Pourquoi ne pas concevoir comme une oeuvre d'art, l'exécution d'une oeuvre d'art ?"
Paul Valéry

Peindre des émaux sur terre de grès : Interview d’Ingrid d’Ohayon, Peintre Céramiste Professionnelle

Ingrid Ohayon lors d'une exposition

Eliora Bousquet :  Bonjour Ingrid Ohayon. Nous nous sommes rencontrées lors de ma première exposition personnelle, autour d’une passion commune : la musique, notamment le jazz, dont nombre de vos œuvres semblent être inspirées (voir ci-dessous).

Lorsque j’ai découvert ces dernières, j’ai été saisie par la légèreté du geste et une sensation de dynamisme, sur un support pourtant lourd, car fait de grès.
Votre technique, peu connue, m’intrigue. Il me semble que vous peignez uniquement avec des pigments et colorants. Pourriez-vous (sans toutefois dévoiler vos secrets de fabrication qui font votre style unique ????) m’expliquer comment vous arrivez à ce rendu et quels matériels et matériaux vous utilisez (pigments, terre,…) ?

bandeau 1 jazz ingrid ohayon

Ingrid Ohayon :  Bonjour Eliora ! Avant de venir à votre première exposition personnelle j’avais découvert les peintures de votre collection "Visions célestes" et j’étais éblouie par vos couleurs et impressionnée par votre imaginaire. Plus tard, j’ai découvert vos peintures parlant de musique, une discipline que j’ai toujours rêvé d’exercer. Mais à défaut de moyens et de talent, j’ai laissé souvent parler mes tableaux de ce que j’ai toujours admiré.

En ce qui concerne mes créations, elles consistent en majorité par des peintures aux émaux de grès selon une méthode que j’ai trouvée après de longues recherches et d’essais et qui ne sera jamais parfaite, car elle est dépendante de beaucoup de phénomènes qu’il m’est impossible de maitriser.

J’utilise des terres de grès sur lesquelles je peins avec des colorants, oxydes, pigments et émaux que je mélange, juxtapose ou superpose, selon les couleurs ou les effets que je souhaite obtenir. Cependant, après cuisson, elles sont souvent très loin de ce que j’avais imaginé ! Toutes les couleurs, qu’il s’agisse d’émaux, oxydes, pigments ou colorants se présentent en poudres que je mélange avec de l’eau en ajoutant un peu de colle céramique. Quand la terre est complètement sèche je passe aux cuissons.

Eliora Bousquet :  Sur un plan purement technique, à combien de degrés doit-on chauffer la terre afin que l’œuvre soit prête ?

Ingrid Ohayon :  La première cuisson monte à 980°C et l’on obtient alors ce qu’on appelle le "biscuit", c’est-à-dire une faïence sans glaçure que j’applique ensuite, avant une deuxième cuisson, montant jusqu’à 1280°C.

Eliora Bousquet :  En cas d’erreur, peut-on retravailler une peinture sur terre de grès ?

Ingrid Ohayon :  Du fait que les poudres mélangées à l’eau sont volatiles une fois sèches, il est très difficile de faire des vraies corrections ou changements, car la terre encore humide absorbe tout de ce qui vole.

Eliora Bousquet :  La taille du four doit nécessairement conditionner la taille de l’œuvre, ce qui représente une contrainte. Quel est le format moyen de vos œuvres ? Pour une personne souhaitant acquérir un plus grand format, réalisez-vous des triptyques ?

Ingrid Ohayon :  La plus grande taille que je puisse faire cuire dans mon four est de 40 cm x 40 cm sur la plaque supérieure. Sur les autres plaques, qui reposent sur des piètements, la plus grande taille ne dépasse pas 37 x 37 cm. Du fait de la petite taille de mes tableaux je réalise également des diptyques et des triptyques.

Eliora Bousquet :  Dessinez-vous vos œuvres avant de poser les pigments sur la terre et, le cas échéant, avec quel instrument ? Ou bien laissez-vous les couleurs déterminer elles-mêmes les formes ?

Ingrid Ohayon :  Oui, je commence toujours par un dessin ou un croquis au crayon, que je reproduis ensuite sur la terre.  J’ai essayé de peindre directement sur la terre sans avoir auparavant déterminé par un dessin exact ce que je voulais faire…mais cela a été un échec, car il n’est pratiquement pas possible de faire une correction sans salir le trait ou le dessin d’à-côté ou abimer complètement la peinture. En effet, en grattant une couleur (avec une lame à raser ou instrument similaire) la poudre vole et se met là où l’air la porte... La couleur la plus salissante et donc la plus difficile à corriger est le noir.

Eliora Bousquet :  Un détail m’intéresse particulièrement : votre univers fait ressortir 5 couleurs principales : bleu - rouge - jaune - vert - blanc. S’agit-il d’un choix de votre part ? Ces couleurs ont-elles, par exemple, une symbolique particulière à vos yeux ? Ou bien, peut-être les pigments ne permettent-ils d’obtenir pas une palette de couleurs aussi variée (car prête à l’emploi !) que la peinture à l’huile, à l’acrylique ou à l’aquarelle ? Vous m’avez parlé d’une question de cuisson qui changerait les tonalités des couleurs, leur nature même. Si je ne me trompe, vous ne pourriez ainsi pas savoir, avant de les cuire, quelles seront exactement ces couleurs, une fois l’œuvre terminée. Ce caractère aléatoire, totalement "magique" me fascine. Pouvez-vous m’en dire plus ?

bandeau 2 Ingrid ohayon

Ingrid Ohayon :  Les couleurs dominantes de mes peintures n’ont aucune symbolique particulière. Elles sont dues au fait que la palette de couleurs en peinture sur terre est très restreinte, malgré le fait que j’essaie de faire des mélanges quand c’est possible. En plus, il y a des couleurs qui ont un très mauvais rendu après les cuissons, comme par exemple les mauves ou les marrons ; c’est pourquoi je ne les utilise plus. C’est vrai que les cuissons, surtout la deuxième, peuvent changer significativement les couleurs. Par exemple, un bleu foncé peut sortir très pâle ou même devenir vert ! Très souvent, ma peinture est jolie après la première cuisson et peut sortir complètement gâchée du four après la deuxième. Parfois, il arrive que des bulles, des trous ou autres imperfections se forment sous - ou sur - la glaçure. Dans ce cas, je les lime avec une machine (Dremel) avant de mettre un nouvel émail de la couleur que je désire obtenir - ou qui s’en approche - avant de soumettre ma peinture à une troisième cuisson à 1280°C. C’est vrai que le résultat dans le travail de la céramique est aléatoire, mais on est bien obligé de s’en accommoder…

Eliora Bousquet : Comment vous est venue cette passion de la céramique

Ingrid Ohayon :  J’ai toujours aimé les objets en céramique et j’en ai souvent acheté souvent pour le plaisir de pouvoir les contempler chez moi. Plus tard, j’ai rencontré une amie céramiste, Christine Ladevèze, qui obtient de très beaux émaux de grès d’après ses propres recettes (dans la plupart des cas, on achète des émaux de grès dans les commerces spécialisés). C’est elle qui, un jour, m’a apporté un pain de terre et m’a montré en quelques heures les rudiments pour la travailler. J’ai commencé tout de suite à modeler plusieurs objets à la maison. Mon amie m’a donné également quelques émaux que j’ai appliqués au pinceau. Ensuite, j’ai cuit mes objets dans son four. Mais ma maladresse, mon inexpérience et ma méconnaissance du métier de Céramiste, ont conduit à des résultats très décevants… Alors j’ai beaucoup travaillé à la maison pour améliorer ma technique ; j’ai acheté des livres sur la céramique et fait beaucoup de recherches sur internet. Plus tard, j’ai fréquenté un atelier à l’extérieur de la maison, j’ai suivi des cours de calcul moléculaire et essayé de faire des émaux d’après mes propres recettes. Mais c’était très difficile et même dangereux de mesurer de petites quantités de poudres volatiles dans un appartement ! En plus, les résultats que j’obtenais étaient vraiment décevants ou inutilisables. Alors j’ai abandonné mes recherches et essais et, depuis lors, j’ai acheté des émaux tout faits dans le commerce spécialisé en céramique. Au début je n’ai façonné que des objets, bols, coupes, vases, etc… sur lesquels on verse l’émail, ce qui m’a rapidement ennuyée.

J’ai toujours rêvé de devenir un jour Artiste-Peintre, mais je n’ai jamais rien fait pour réaliser ce rêve, ni pris de cours, ni suivi aucun autre type d’apprentissage. Cependant, dans mon esprit, pinceau et couleurs vont toujours ensemble. C’est probablement pour cette raison que j’ai essayé d’appliquer les émaux au pinceau et de me servir aussi d’oxydes et de colorants, d’après mes petits croquis. Les premiers essais n’étaient pas concluants, mais j’ai persisté encore et encore…

Avec le temps, mes dessins devenaient de plus en plus aboutis et ma méthode s’améliorait pour arriver aux résultats que l’on peut voir aujourd’hui. Je suis donc ce que l’on appelle une pure autodidacte.

Maintenant je peins aussi beaucoup sur toile, avec des couleurs acryliques ou à l’huile et j’ai même trouvé sur internet une couleur réfléchissante dans le noir. C’est comme cela que je suis devenue une Peintre et j’ai pu vivre mon rêve secret.

Eliora Bousquet :  Avez-vous pris des cours et, le cas échéant, à quel endroit une personne novice pourrait-elle s’exercer à votre art ? Donnez-vous des cours vous-même ? Combien de temps faut-il pour arriver à maîtriser la peinture aux pigments sur grès ?

Ingrid Ohayon :  Non, Je ne donne pas de cours. Et du fait que j’ai inventé ma propre méthode - qui reste, malgré tout, très expérimentale - je n’ai aucune idée de combien de temps il faudrait à quelqu’un d’autre pour arriver aux mêmes résultats.  

Eliora Bousquet :  J’ai observé, dans vos dernières œuvres en date, une évolution saisissante d’une quête de liberté associée à un sentiment de légèreté, vers une prise de conscience sur le monde hyper-connecté et de plus en plus incertain qui nous entoure. L’oeuvre "Surveillés en permanence", notamment, nous rappelle à l’ouvrage "1984" de George Orwell et à son terrible "Big Brother" qui semble aujourd’hui faire partie de notre quotidien. Après les divers accès de violence que notre pays a connus ces dernières années (Je Suis Charly, Bataclan et, plus récemment, émeutes sociales), le mot "paix" est employé dans le titre de plusieurs de vos œuvres, en tant qu’artiste, avez-vous un message à transmettre ?

bandeau 3 Ingrid ohayonIngrid Ohayon :  C’est vrai que dernièrement, je me suis souvent penchée dans ma peinture sur ce qui nous entoure dans la vie quotidienne, comme le monde hyper-connecté, la diminution des contacts personnels, les choses qui nous menacent ou qui me font peur…

Et, d’un autre côté, j’ai exprimé, comme j’ai, pu mes rêves d’un monde en paix. En dehors de cela, je n’ai pas cherché à transmettre un message quelconque. J’ai juste reproduit, à ma façon, ce que je ressens aujourd’hui.

Eliora Bousquet :  Où les lecteurs de mon blog peuvent-ils découvrir votre travail ? Avez-vous un site internet ? 

Ingrid Ohayon : Oui. L'adresse est : www.ingrid-ohayon.com

Eliora Bousquet :  Merci Ingrid, de nous avoir fait partager votre passion et découvrir, plus en détails, les coulisses de votre univers et secrets de votre art.

Ingrid Ohayon :  C’était un grand plaisir de vous raconter comment je suis devenue Peintre-Céramiste. Merci beaucoup, Eliora, de vous intéresser à mon travail et de le promouvoir. 


Crédits photos (c) Ingrid Ohayon - Tous droits réservés - Reproduction interdite sans accord écrit de l’artiste.
 

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TEMOIGNAGES

"J'ai déjà eu l'occasion de vous dire ce que je pensais de votre travail qui est l'expression d'un talent exceptionnel. Je résumerai donc la qualité de votre oeuvre en trois mots : couleur, lumière, vie. Avec mes encouragements et toute ma sympathie".
Raoul R.
 


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