PEINTURE ET DALTONISME
“La peinture peut être poésie. La couleur n'est-elle pas là pour jeter d'un coup toute sa profondeur dans le discours du tableau ?”
Yves Bonnefoy, Le Monde de l'Éducation - Septembre 1999
JE "N’Y VOIS QUE DU BLEU !"
Lors de ma dernière exposition personnelle en date, un visiteur à qui je souhaitais communiquer des informations sur mon travail car il était posté depuis une bonne ½ heure devant un de mes tableaux, m’a dit qu'il était "fasciné par les couleurs : tous ces mélanges de violets, de mauves, de gris"... sauf que ce n'étaient pas du tout les couleurs que j'avais utilisées dans ce tableau aux dégradés de bleu turquoise tirant parfois sur le bleu nuit… et je ne comprenais donc pas son discours.
Sa compagne, voyant mon embarras m'a informée qu'il était daltonien, ce qui expliquait pourquoi il ne percevait pas les couleurs de mon tableau telles qu’elles étaient dans la "réalité", en tout cas celle qui correspond à la plupart d’entre nous.
N'étant pas concernée directement par ce sujet, ni personne dans mon entourage, je n’avais jamais pensé à la problématique que représente la déficience visuelle dans la perception et la compréhension des œuvres d’art.
Pourtant, c’est un élément essentiel ! Notamment parce que dans l’art abstrait plus que dans toute autre mouvement artistique, la couleur et son symbolisme sont essentiels pour lire les œuvres et en comprendre le sens.
Voici ce que l’épouse de mon visiteur m’a expliqué et que je souhaitais partager avec d’autres artistes.
Bien que les types de daltonisme diffèrent d’un individu à l’autre, en fonction da nature de leur trouble de la vision, les personnes souffrant de déficience visuelle qualifiées de "daltoniennes" perçoivent ainsi les couleurs :
- BLEU : violet ou gris clair
- VERT : brun ou gris
- JAUNE : vert clair ou beige
- VIOLET : bleu ou gris foncé
- ROUGE : marron ou gris foncé
- ROSE : gris clair ou beige
- ORANGE : rouge, marron ou gris foncé
- OR : brun, beige ou gris
- MARRON : rouge ou vert foncé
Les blancs, noirs et gris, quant à eux sont perçus à l’identique par les personnes atteintes de daltonisme et celles ayant une vision normale.
C’est très important de tenir compte de ces écarts, car le marron, par exemple, peut être perçu soit comme rouge… soit comme vert… deux couleurs dont la symbolique est diamétralement opposée !
Le saviez-vous ? Mon interlocutrice m’a expliqué qu’il existait deux principaux types de daltonisme : le daltonisme "rouge-vert" et le daltonisme "bleu-jaune". Dans le premier cas, les couleurs rouges et vertes sont altérées, ce qui rend difficile la distinction entre les couleurs rouges, vertes et marron. Dans le deuxième, ce sont les couleurs bleues et jaunes qui sont perçues différemment, ce qui rend difficile la distinction entre les couleurs bleues, jaunes et violettes.
En tant qu'artiste-peintre abstrait très sensible à la perception que les spectateurs peuvent avoir de mon travail, j’ai décidé de prendre cette déficience visuelle en compte lorsque j’explique la symbolique de mes peintures lors d’expositions, afin que les personnes qui seraient concernées, sachent quelles sont exactement les couleurs utilisées sur mes toiles.
Je veille aussi à utiliser des contrastes de luminosité et de saturation suffisants sur mon site internet, lorsque je publie les photos de mes tableaux. Je vérifie enfin régulièrement la perception des couleurs de mes peintures en utilisant des simulateurs de vision daltonienne. Cela ne résoud pas, pour autant, les problèmes de couleurs qui peuvent changer d’un écran à l’autre, selon sa configuration (ex : mode nuit / économie d’énergie) ou sa luminosité… mais c’est un autre sujet !
Rappelons-nous seulement l'essentiel, résumé par Walt Disney dans son chef d'oeuvre "Peter Pan". Quelle que soit la perception que nous en avons : "Rêve ta vie en couleur, c'est le secret du bonheur.”
Source du visuel d'illustration :
Photomontage réalisé à partir de la photo "Man" de Bumiputra pour Pixabay
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